Ep 2-7 : Qui est le maître de l’IA ?

En août 2021 sort une mise à jour de l’article de référence sur la créativité que j’ai publié il y a 5 ans aux Editions Techniques de l’Ingénieur sous la référence AG5210. J’ai ajouté un chapitre sur la créativité par intelligence artificielle et aussi sur ce que cela implique juridiquement. En gros, si une intelligence artificielle crée quelque chose, qui en est l’auteur et en détient les droits.

Quand j’ai écrit en 2015 le fascicule sur la créativité à la demande de l’éditeur, Tensorflow, la librairie IA qui a changé le monde, sortait en fin d’année de cette même année. Les éditions techniques de l’ingénieur sont une sorte de très grosse encyclopédie dont on trouve les énormes volumes dans les rayonnages de la plupart des boites industrielles francophones depuis 1946. Bon maintenant c’est numérique et c’est très pro notamment au niveau de la composition et du comité scientifique. Leur objectif c’est un peu de répondre à la question : « que doit lire un jeune ingénieur qui a un problème d’ingénierie à traiter? ».

Donc j’ai parlé des méthodes de créativité, de la façon dont on peut aider les idées à émerger, à évoluer … en critiquant cette stupidité absolue qu’est le brainstorming .. surtout entre personne ne connaissant pas le sujet à traiter. Sauf que depuis 5 ans les intelligences artificielles créent des images, des textes de qualité et, comme vous pouvez l’entendre dans l’interview de Philippe Robin dans l’épisode 8 de la saison 1, des molécules que personne n’a jamais synthétisées. C’est donc un gros chapitre sur la façon d’utiliser les IA pour créer qui sera publié en août.

En photo illustrative de ce podcast, vous voyez un singe qui fait un beau sourire. En fait c’est un selfie pris par Naruto, une femelle singe, qui a emprunté à son insu le matériel du photographe animalier David Slater. La publication par Wikipedia de la photo a provoqué un conflit juridique – voire un conflit civilisation – qui consistait à savoir qui était propriétaire du droit d’auteur de la photo. Donc, qui est le maître de la créativité non humaine? Et donc que deviennent également les créations des intelligences artificielles.

Les juristes se sont écharpés sur la question et cela a tiré dans tous les sens. Autant dire que cela n’est pas mieux tranché aujourd’hui que la difficile question de droit établissant si oui ou non peut être considéré comme ayant été consommé au domicile conjugal un adultère commis sur un mur mitoyen.

Dans le cas spécifique d’une IA, il y a d’une part la propriété des données ayant servi à l’apprentissage (les cours), celle de celui qui a conçu l’algorithme (la méthode d’enseignement) et de celui qui a enseigné(les parents). Dire que l’IA n’a pas de droits d’auteur revient donc, si on prend le droit de travers, à dire qu’un enfant n’a pas de droit sur ses créations qui appartiennent donc à ses parents et à l’éducation nationale. C’est assez peu engageant, presque une idée entre Confucius pour la vénération des anciens et Karl Marx pour la spoliation de la propriété…

D’un autre côté ni le singe curieux, ni l’intelligence artificielle découvreuse de vaccins ne veulent quelque-chose. Le singe ne veut pas organiser de vernissage dans des galeries d’art parisiennes. L’intelligence artificielle n’a pas d’intérêt personnel dans la production de vaccin.. pas de bras pas de vaccin.

Il y a actuellement deux points de vue « juridiques ». Le premier c’est de dire que le droit revient à celui qui a eu l’intention. Qui a voulu l’œuvre. Dans cette acception, le singe ou l’intelligence artificielle ne voulant rien d’autre qu’exercer leurs talents parce que c’est leur nature de faire des trucs comme ça n’auront droit à rien. C’est le canal historique et européen. Pour être brutal si vous aimez l’argent et les honneurs fuyez les sciences et les arts. Les scientifiques et les artistes ont toujours mendié auprès des mécènes de quoi manger et travailler. Pas de Michel-Ange sans les Médicis, pas d’Alcuin sans Charlemagne. L’institutionnalisation publique de la recherche subventionnée, comme du théâtre subventionné d’ailleurs, est récente et pas toujours d’une plus grande efficacité. Donc singe, intelligence artificielle, artiste, scientifiques même traitement : de toute façon ce que vous faites vous amuse donc c’est normal que vous n’en profitiez pas en plus.

Le second est la position américaine du bureau du copyright : pour lui, les créations non humaines ne sont pas sujet à droit d’auteur et que les violations du droit d’auteur ne peuvent être dénoncées que par des humains. En gros circulez y a rien à voir. Nous voilà bien avancé: on a un truc qui se balade dans le non être sans être dans le domaine public tout en appartenant à personne et qu’on ne peut pas revendiquer. Vu ce qui c’est passé pendant dix ans entre wikipedia et le photographe, on tremble à l’idée de ce qui arriverait si l’œuvre était une vache à lait médicamenteuse ou la paire de godasses design de l’année.

En tant que créateur, je dois avouer que cela m’agace un peu. Voilà imaginons que j’ai une idée géniale et un budget pour la déposer auprès de l’organisme adéquat, bureau des brevets ou autre. Bon et si j’ai pas l’argent que j’utilise même un smart contract sur blockchain pour générer un Non Fungible Token pour mon idée. Donc on va dire que j’en suis le propriétaire même si je l’ai eu grâce à … deux points: mes cours à la fac, mes parents, les discussions alcoolisées avec mes amis, les youtubeurs géniaux qui expliquent très bien les statistiques, les bouquins que j’ai lu, des podcasts que j’ai écouté distraitement en voiture et dont je me rappelle à peine une phrase…. Bon oublions le passé et disons que le suis le maître de ma création.

Pour pouvoir savoir si quelqu’un copie mon idée, il faudrait alors que je fasse une veille intensive de tout ce que font les autres. Que j’achète tous les produits pour les démonter et chercher si mon idée n’a pas été utilisée pour les construire. Ça va m’occuper pour un bon moment et ça va être une activité passionnante.

Ma philosophie, c’est plutôt que, en tant que curieux, des idées j’en aurai d’autres. Du coup autant que cela crée un flux vertueux où tout le monde peut piocher pour assembler de nouveaux possibles pendant que moi je me consacre à un nouveau projet bien plus excitant que de surveiller jalousement mon stock d’idées passées. D’autant qu’en matière d’intelligence artificielle, vieux… c’est trois mois. Donc en matière de création et d’idée, restez calmes et faites des dons aux entrepreneurs nécessiteux.


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